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L’art lyrique espagnol en deuil 

La disparition de Montserrat Caballé

 

L’annonce de la disparition de Montserrat Caballé s’est limitée, sur les grands médias français, au rappel de son duo avec Freddie Mercury, vedette du groupe rock Queen, pour la chanson Barcelona qui servit d’hymne des Jeux Olympiques de Barcelone de 1992. Sic transit gloria canti.


Caballé

Si cette référence réductrice en dit long sur l’inculture musicale de notre société, en revanche elle traduit parfaitement l’attachement de la cantatrice à sa ville natale où elle vit le jour en 1933 et où elle vient de mourir. Sa catalanité s’affichait jusque dans le prénom donné par sa mère, en hommage à la Vierge noire de Montserrat, protectrice vénérée de la Catalogne : l’enfant, étranglée, par le cordon ombilical, était née avec un visage « noirci » par un début d’asphyxie. Elle restera d’une santé fragile toute sa vie mais – d’où de fréquentes annulations de ses prestations –, paradoxalement avec une capacité de souffle qui semblait inépuisable.



Née dans une famille modeste, particulièrement marquée par les souffrances de la guerre d’Espagne, elle ne put suivre des études musicales au Conservatoire du Liceu que grâce à la générosité d’une famille d’industriels de Barcelone (Leontyne Price qui, outre la pauvreté souffrit de la ségrégation raciale, bénéficia d’une aide semblable dans sa ville natale du Mississipi). La cantatrice devenue célèbre n’aura de cesse, à son tour, d’apporter son soutien et son temps à des fondation s’occupant notamment d’enfants.
Elle débuta dans La Bohème, en 1956, à Bâle, chantant l’année suivante la Salomé de Richard Strauss. Elle y connut les dures mais très formatrices conditions du travail en troupe ainsi qu’à Brême où elle fut engagée en 1959. Elle dut chanter un très large répertoire de soprano lyrico-dramatique, de Mozart à Dvořák en passant par Verdi et Puccini. Le Staatsoper de Vienne l’entendit en 1958 dans Salomé (qu’elle enregistrera en 1968, sous la direction d’Erich Leinsdorf) et la Scala de Milan dans Kundry de Parsifal, en 1960. Car elle possédait une voix puissante, très ductile, capable de fabuleux pianissimi. Revenue, dès 1962, à Barcelone et engagée au Liceu dans le rôle-titre d’Arabella de Strauss, elle connaîtra bientôt la consécration internationale en remplaçant, en 1965, Marilyn Horne, alors enceinte, dans Lucrezia Borgia au Carnegie Hall de New York. Le lendemain, le New-York Times titrait « Callas + Tebaldi = Caballé ». La même année, elle fait ses débuts au Festival de Glyndebourne, et au Metropolitan Opera dans la Marguerite du Faust de Gounod. C'est alors qu'elle est surnommée La Superba en écho à La Divina (Maria Callas) et à La Stupenda (Joan Sutherland). En 1967, elle enregistre la Traviata sous la direction de Georges Prêtre aux côtés de Carlo Bergonzi et Sherill Milnes. Montserrat Caballé et Marilyn Horne, devenues les meilleures amies du monde, devaient se retrouver en 1980, au festival d’Aix-en-Provence pour triompher dans la Sémiramis de Rossini.
Au total, elle chantera 80 rôles allant du bel canto au vérisme. Comme ses compatriotes ibériques (Victoria de Los Angeles, Teresa Berganza, Plácido Domingo, José Carreras), elle a défendu le répertoire de la zarzuela au disque et en récital. Elle continua longtemps à se produire en concert, notamment pour accompagner sa fille Montserrat Martí. Elle était mariée au ténor Barnabé Martí depuis 1964.
Elle laisse une discographie importante (intégrales et récitals) allant de Mozart à Richard Strauss. Sans oublier quelques excursions dans la musique pop et rock…
Elle a appartenu à ces générations de chanteurs qui, à partir des années 1950 ont fait briller l’école espagnole du chant dans le monde entier. Elle restera avant tout comme une grande interprète belcantiste des Donizetti, Bellini, Rossini et des œuvres de jeunesse de Verdi qu’elle a contribué à faire revivre aux côtés des Sutherland, Sills et Gencer. Sans avoir les qualités de tragédienne d’une Callas, elle a su s’imposer après elle, avec d’autres moyens, dans un rôle aussi périlleux que Norma. Les spectateurs des Chorégies d’Orange en 1974, n’ont pas oublié sa silhouette auréolée de ses voiles s’envolant sous les rafales du mistral : telle une déesse antique, elle triompha des éléments par la seule force de son souffle. C’est la marque des grands interprètes appelés à demeurer dans la mémoire des mélomanes.

 

Danielle Pister
Vice-présidente du CLM